Ce livre, je l’attendais depuis longtemps. Certes, il fait écho à d’autres réflexions émanant de scientifiques, de physiciens et même de journalistes qui, tous, soulignaient les incohérences des prises de positions et des décisions de l’écologie politique. Chacun des livres que je connais s’attachait à un domaine en particulier et non à l’ensemble de la doxa écolo sous toutes ses coutures, comme c'est le cas ici.
Géraldine Woessner est rédactrice en chef au magazine Le Point, et elle est spécialiste des questions d’environnement, d’agriculture et d’énergie, avec une ligne constante d'attachement aux données scientifiques. Elle est bien entendu menacée, notamment parce qu'elle vient de commenter dans son journal, une enquête IPSOS récente sur l'antisémitisme en France.
Erwan Seznec est lui-aussi journaliste au Point, après être passé par Marianne et Que choisir.
On va donc dire que ces deux auteurs ne se situent pas politiquement dans la mouvance LFI, pas plus qu’ils ne sont étiquetés RN, si on voit ce que je veux dire. Mais quand bien même ils auraient les idées politiques de leur choix, ce qui m’intéresse ici, c’est que leurs écrits soient sourcés, documentés, appuyés par des études scientifiques solides. Ce qui est le cas. Il faut aussi que les auteurs n’aient pas de liens financiers avec les industriels de l’agro, les entreprises phyto, les marchands de produits toxiques. Compte tenu de l’étendue des champs couverts par cette étude, il ne me parait pas très possible qu'ils soient suspects de collusion, d’autant que ce qu’ils disent ne peut que les placer en grand danger face aux ayatollahs de l’écologie politique.
C’est donc une enquête extrêmement robuste, qui a dû demander des années de travail. Il s’agit, pour des journalistes qui ne nient pas le changement climatique, qui n’adhèrent pas aux idées complotistes, qui admettent bien volontiers que l’écologie est un sujet d’importance capitale pour l’avenir de notre planète, de simplement remettre en question certaines actions qui, précisément, finissent par aller à l’encontre du but recherché.
Car, écrivent-ils, « Comment expliquer que des solutions accessibles, validées par la science, soient bloquées avec application, précisément par ceux qui ont fait de la lutte pour la protection de la planète leur combat cardinal ? »
« Lorsque le 9 avril 2024, l’institut européen Copernicus révèle que les températures sur terre et dans les océans ont battu sur les dix derniers mois des records jamais observés, entraînant des bouleversements météorologiques extrêmes d’un bout à l’autre de la planète, les grandes figures du mouvement écologiste français tempêtent dans les médias… Pour exiger la sortie du nucléaire, la « fin du capitalisme » et l’arrêt de l’irrigation. », ce qui, il faut bien le reconnaitre, est complètement contradictoire avec l'annonce climatique.
Tous les champs de l'écologie politique sont passé en revue.
Les premiers chapitres sont consacrés aux origines de cette "idéologie". Depuis le pessimisme de Malthus et de Paul Ehrlich, en passant par les errements du rapport Meadows et du Club de Rome, « les mouvements écologistes [se sont finalement inscrits] dans une vision créationniste d’une nature harmonieuse, perturbée par la course en avant technologique d’une humanité toute-puissante répandant le chaos ».
Cette doxa quasi religieuse rompt assez vite avec la science, au profit d’une mystique « qui développe une vision romantique des relations entre l’individu et le Tout, et s’oppose au productivisme ».
Le principe de précaution, qui était à l’origine un principe de responsabilité est utilisé de manière dévoyée pour nous amener dans « une société de Shadoks – ces petits êtres prudents jusqu’à l’obsession, qui pensaient qu’il vaut mieux pomper même s’il ne se passe rien, plutôt que de risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas ».
« En son nom seront bloquées la culture d’OGM et la recherche sur les gaz de schiste, stoppées des implantations d’antennes relais, et lancées d’innombrables procédures contre les ondes électromagnétiques, le Coca-Cola, les pesticides, la 5G, les vaccins, les compteurs Linky, les infrasons des éoliennes, certains médicaments ou additifs alimentaires… Bref : le principe de précaution s’est parfois mué en principe d’inaction, invoqué pour brider la science, sans que jamais ses partisans s’interrogent sur les conséquences de ne rien faire… Potentiellement plus néfastes, y compris pour l’environnement. »
Puis on passe au domaine de l’Energie, où le nucléaire alimente toutes les peurs et conduit au plus grand aveuglement. La fermeture des centrales nucléaires allemandes et la guerre en Ukraine ont ainsi eu, comme conséquence, la réouverture de nombreuses centrales à charbon, désastreuses pour l’effet de serre et le climat. L’absence d’investissement dans le parc français a conduit à la pénurie des années 2022 et 23 et, donc, à l’importation dune électricité payée à prix d’or. Faut-il être si calé pour ne pas comprendre que les énergies renouvelables ne peuvent produire que de manière intermittente ? Sans vent pas d’éoliennes, sans soleil pas de panneaux efficaces. Et on ne sait pas stocker l'électricité à ce jour.
A cause de l’obsession nucléaire, la règlementation thermique des logements privilégie le gaz au détriment de l’électricité, en France pourtant très peu polluante. Dans la série « aberrations », la maison individuelle est vilipendée, alors que les surfaces vertes dont sont constitués leurs jardins sont utiles pour lutter contre le réchauffement. En effet, les espaces verts des immeubles de ville, trop enclavés, ne produisent, eux, aucun effet notable.
Que dire ensuite des OGM, véritable totem dans nos contrées, qui ne repose sur aucune preuve scientifique ? Il faut souligner que, d’ores et déjà, nous n’absorbons que des produits agricoles OGM, les transformations du génome des plantes et des animaux ayant été entrepris dès l’origine par nos ancêtres préhistoriques. Les techniques actuelles ne viennent qu’accélérer des processus de sélection beaucoup plus lents, par les méthodes de croisement. En Inde, 95% des productions végétales sont OGM et la population n’a (peut être hélas, diront certains ?) pas été affectée négativement. Surtout qu’en échange de l’interdiction des OGM, ce sont les produits phytos qui sont indispensables, même en agriculture biologique.
S’agissant des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles, leur interdiction en France n’a pas entrainé, par contre, une amélioration dans la lutte contre la mort en masse des abeilles. Les abeilles, sans les néonicotinoïdes, continuent de mourir. Car leur mort n’est pas le seul résultat de l’utilisation de cet insecticide mais de bien d’autres facteurs comme le frelon asiatique, le changement climatique ou même d’autres produits phyto sanitaires, y compris ceux qui sont considérés comme « bio ». En revanche, la betterave française a subi la jaunisse de la betterave, faute d’une utilisation de cet insecticide, utilisation qu’il aurait fallu raisonner plutôt qu’interdire sans autre forme de procès. La jaunisse de la betterave sucrière a conduit a importer en France des tonnes de sucre de betterave en provenance de Turquie, ou les plants sont largement arrosés de néonicotinoïdes.
La terreur verte voudrait que l’agriculture conventionnelle soit accusée d’empoisonner les enfants, qui naissent sans bras, et de précipiter les agriculteurs dans les affres du cancer. Or « les cancers des enfants n’augmentent pas : leur nombre « est stable depuis vingt ans », et « personne n’a jamais pu démontrer de cause environnementale entraînant de façon directe un cancer chez les enfants », sujets à des tumeurs dont la nature n’a strictement rien à voir avec les cancers de l’adulte, confirme le professeur Virginie Gandemer ».
S'agissant des agriculteurs il faut prendre en compte des études portant sur de vastes cohortes d’agriculteurs «. L’Agricultural Health Study (AHS) a suivi 54 000 personnes pendant vingt ans, et une cohorte plus vaste de 180 000 agriculteurs est accompagnée en France depuis 2005. Les derniers résultats, publiés en 2020, sont cohérents et globalement rassurants : les salariés et exploitants du monde agricole sont clairement en meilleure santé que le reste de la population. En France, les risques de mourir d’un cancer sont respectivement inférieurs de 25 % et 19 % pour les hommes et les femmes de la cohorte par rapport à la population générale. »
Pour autant, il ne faut pas en conclure à l’innocuité de certaines substances comme le chlordécone, un organochloré qui n’a été réellement interdit en France qu’en 1993, dix-huit ans après son retrait du marché aux États-Unis, les planteurs de bananes ayant tout fait pour le conserver !!!
S’agissant des enfants sans bras, l’alerte a fait long feu : de multiples analyses comparatives n’ont jamais pu mettre en concordance l’utilisation des pesticides et l’arrivée de cette malformation extrêmement rare. Aujourd’hui encore, on ignore les causes réelles de toutes natures qui ont pu conduire à 6 cas d’agénésie des membres supérieurs dans le département de l’Ain. Les media qui s'étaient emparés de l'affaire, ont reflué, on n'en parle plus...
Pour ne pas alourdir ma chronique, je m’arrête là, en soulignant en conclusion que l’écologie politique poursuit, selon les auteurs, un projet de société qui confine bien souvent au racisme social.
Les ayatollahs de l’écologie politique nourrissent en effet, au mépris de tous les résultats scientifiques, une pensée dogmatique qui consiste à détester la technologie et l’efficacité, au profit d’un rationnement strict des populations, populations jugées ouvertement trop nombreuses et qu’il faudrait ainsi conduire à une diminution notable. Ces visions malthusiennes basées sur un appauvrissement généralisé, ne concernent pas les plus riches, à l’abri des restrictions pour des générations entières.
Je ne serais pas jésuite au point de convenir, avec les auteurs, que la population mondiale est parfaitement compatible avec les préoccupations climatiques et environnementales justifiées, mais il me parait, à moi aussi, que les excès et les contre sens de l’écologie politique ont déjà fait assez de mal pour qu’on ne se soucie pas d’en modérer les principes.
Ce livre est tellement nourri d'exemples et de références qu'il devrait servir de base rationnelle à toute réflexion politique sur ces sujets. Mais qui se soucie encore de la raison?
Odile Grisver
Je trouve remarquable qu'au milieu d'articles alertant sur les dangers la rédaction ait accepté de publier un texte qui , en quelque sorte, est moins alarmiste. C'est faire preuve de tolérance et de respect des différences. Bravo .