Leo GOEYENS
La responsabilité intergénérationnelle
fait cruellement défaut
Détournons-nous, intentionnellement ou non, notre regard des messages et/ou des résultats de recherche importants ? N'est-il pas inquiétant de constater que nous n'accordons que peu ou pas d'attention aux sources fondamentales de l'éthique, notamment la solidarité et la responsabilité ?
Je regrette profondément que le message de quarante-six éminents scientifiques n'ait pratiquement pas été entendu. Le titre de leur publication en dit long cependant : "Une planète : une santé." Un appel à soutenir l'initiative en faveur d'un organe scientifico-politique mondial sur les substances chimiques et les déchets . Au changement climatique et à la perte de biodiversité s'ajoute en effet un autre défi majeur, la pollution chimique.
La pollution chimique constitue une menace effrayante pour la santé planétaire et la santé humaine dans le monde entier ; mais malheureusement, elle n'a été prise en compte que de manière très limitée dans les politiques mondiales et nationales. Il n'existe toujours pas d'organe scientifique et politique intergouvernemental pour s’attaquer d’une manière globale à la pollution chimique et ses effets négatifs sur le vivant. Par contre, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ainsi que la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) ont respectivement été créés en 1988 et en 2012.
Comment se fait-il que nous restions tellement indifférents à la pollution chimique ?
Pourquoi manquons-nous de détermination et de vision ? Un contraste frappant avec le message d'un éditorial publié en juillet 2024 dans la revue médicale The Lancet : Dans le monde, on estime que neuf millions de personnes meurent chaque année à cause de la pollution chimique, dont la majorité est due à la pollution de l'air .
Personne ne niera la nécessité d’une action immédiate pour réduire la pollution chimique mondiale . Réduire la pollution est la seule chose qui nous reste à faire ; malheureusement, il n'est plus possible de tout dépolluer. Espérons qu'un jour nous pourrons prendre des mesures fondées sur des données et des connaissances scientifiques solides et évaluées de manière critique par un organisme mondial à l'interface entre la science et la politique (2).
Outre les problèmes liés aux pesticides, aux métaux lourds et aux substances per- et polyfluoroalkylées, souvent évoqués dans les médias et sur la toile, il existe une forme de pollution environnementale pour laquelle je ne vois aucune solution à court terme. Il s'agit de la pollution plastique. Les plastiques posent un problème mondial en raison de leur production extensive et consommatrice de ressources et des rejets incontrôlés de leurs produits dérivés dans l'environnement. De plus, l'incapacité actuelle à contrôler les plus de 16000 substances chimiques présentes dans les plastiques rend cette problématique plus effrayante encore , . Plusieurs milliers de ces substances sont préoccupantes en raison de leur nature persistante, bioaccumulable, mobile et toxique. Elles peuvent être libérées à la fois pendant leur utilisation et lorsqu’elles sont rejetées dans l'environnement, ce qui conduit à la propagation planétaire et à l'exposition du vivant.
Des milliers de produits chimiques ont déjà été mis en évidence dans notre environnement, dans notre alimentation, dans l'air que nous respirons et dans nos corps. La pollution chimique rend malade et tue ! Ne détruira-t-elle pas un jour nos vies et celle de nos enfants et petits-enfants, parce que nous laissons traîner sans gêne nos produits et déchets chimiques et parce que nous ne faisons pas assez, voire rien du tout, pour décrasser la Terre ? Comprendrons-nous un jour qu'il est absolument nécessaire d'investir dès maintenant de l'argent, du temps et de l'énergie si nous voulons préserver quelques richesses et cadeaux de la seule planète sur laquelle nous pouvons vivre ; si nous voulons encore un monde vivable pour les générations futures ; si nous voulons qu'une grande partie du monde vivant puisse survivre le jour où nous disparaîtrons.
Jane Fonda a parfaitement raison : il ne peut y avoir de personnes en bonne santé sur une planète malade. Agissons donc en amont, prévenons les dommages dès le départ et « débarbouillons » la planète Terre dans la mesure du possible, parce que le pire n’est pas encore certain. Défendons radicalement l'espoir en tant qu'engagement à agir dans un monde dont l'avenir reste incertain et inconnaissable. Il est parfois souhaitable de revenir sur un ouvrage un peu plus ancien : le livre, Hope in the Dark, célèbre avec enthousiasme les personnes qui travaillent sans relâche dans les coulisses et courageusement dans les rues pour la justice et la santé environnementale . Vouloir activement nourrir l'espoir ne signifie pas qu’on suppose que tout s'arrangera. Cela signifie qu’on peut (et doit) au moins essayer de faire de l'espoir une réalité. Le terme « possibiliste » me semble encore plus approprié que le terme « optimiste ». Les possibilistes voient l’opportunité de faire de l'espoir une réalité et s’emploient activement pour y parvenir.
Rester aveugle aux effets négatifs des mélanges complexes de substances chimiques est déjà aujourd’hui une source de désastre et de grande irritation ! Il est plus urgent que jamais de travailler dès maintenant à des solutions structurelles, qui de toute évidence nécessiteront des efforts considérables. Quand un homme politique dit qu'il veut protéger la population contre le dérapage du budget, cela s'appelle prendre ses responsabilités. Vouloir protéger l'humanité des dangers de la pollution exacerbée, c'est aussi prendre ses responsabilités ! Arrêtons d’hypothéquer l’avenir de nos enfants et, s'il vous plaît, faisons preuve de responsabilité intergénérationnelle. Il est de notre devoir de préparer un avenir sain sur une planète propre pour les plus jeunes et pour toutes les générations futures qui suivront. Personne n'aime vivre dans un dépotoir !
Osons donc être possibilistes et témoignons d'un espoir actif en travaillant à l’unisson pour le bonheur des plus jeunes et des générations futures.
Arrêtons de transformer nos attitudes en un simple anthropocentrisme présomptueux. Osons mettre en œuvre une approche humaniste et unir nos efforts pour une planète habitable pour tout le vivant, pour une planète propre où les contaminants chimiques sont correctement éliminés, où les produits chimiques ne sont utilisés qu'en cas de besoin urgent et non pas dans un objectif pervers de croissance économique illimitée, qui continue à creuser le fossé entre les riches et les démunis. Poursuivons une nouvelle vision, qui ne soit pas dominée par le profit mais par les nécessités humaines, par la solidarité et la responsabilité.
Léo Goyens
Morin (2023). Encore un moment… Denoël
Brack et al. (2022). One planet: one health. A call to support the initiative on a global science–policy body on chemicals and waste. Environmental Sciences Europe, 34(1), 21
Editorial (2024). Our environment, our health. The Lancet, 9, e411
Goeyens (2024). Halte à la pollution chimique. Kvadrato
Villarrubia-Gómez et al. (2024). Plastics pollution exacerbates the impacts of all planetary boundaries. One Earth
Brander et al. (2024). The time for ambitious action is now: Science-based recommendations for plastic chemicals to inform an effective global plastic treaty. Science of the Total Environment, 949, 174881
Fonda (2023). You Can’t Have Healthy People On a Sick Planet. Time, May 26
Solnit (2016). Hope in the Dark. Haymarket Books
Armiero (2024). Poubellocène – Chronique de l’ère des déchets. Lux Éditeur
Intergenerational Responsibility is Severely Lacking
By Leo GOEYENS
Do we intentionally or unintentionally turn a blind eye to critical messages and/or research findings? Is it not alarming that we pay little or no attention to the fundamental sources of ethics, particularly solidarity and responsibility?
I deeply regret that the message from 46 eminent scientists has gone largely unheard. The title of their publication is telling: One Planet: One Health. A Call to Support the Initiative for a Global Science-Policy Body on Chemicals and Waste.
In addition to climate change and biodiversity loss, another major challenge has emerged: chemical pollution.
Chemical pollution poses a terrifying threat to both planetary and human health worldwide. Yet it has been addressed only minimally in global and national policies. There is still no intergovernmental scientific and policy body to tackle chemical pollution comprehensively and its negative effects on living beings. In contrast, the Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) and the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) were established in 1988 and 2012, respectively.
Why, then, do we remain so indifferent to chemical pollution? Why do we lack determination and vision? This indifference starkly contrasts with the message of an editorial published in The Lancet in July 2024: an estimated 9 million people die every year worldwide due to chemical pollution, the majority of deaths resulting from air pollution.
No one would deny the urgent need for immediate action to reduce global chemical pollution. Reducing pollution is the only option left to us. Unfortunately, it is no longer possible to undo all the damage already caused. Let us hope that one day we can take measures based on robust scientific data and critically evaluated knowledge, supported by a global body at the interface of science and policy.
A Persistent Threat: Plastic Pollution
In addition to widely reported issues like pesticides, heavy metals, and per- and polyfluoroalkyl substances (PFAS), there is an environmental pollutant for which I see no short-term solution: plastic pollution.
Plastics are a global issue due to their extensive, resource-intensive production and the uncontrolled release of their byproducts into the environment. Moreover, the current inability to manage the more than 16,000 chemicals present in plastics makes this issue even more alarming. Thousands of these substances are of concern due to their persistent, bioaccumulative, mobile, and toxic nature. They can be released during use and when disposed of in the environment, leading to global dispersal and exposure to living organisms.
Thousands of chemical substances have already been identified in our environment, our food, the air we breathe, and our bodies. Chemical pollution causes illness and death. Will it not one day destroy our lives and those of our children and grandchildren? This is happening because we carelessly leave behind chemical products and waste, and because we do too little—or nothing at all—to clean up the Earth.
A Duty to Future Generations
Will we one day understand that it is absolutely necessary to invest money, time, and energy now if we are to preserve some of the treasures and gifts of the only planet we can inhabit? If we want a livable world for future generations? If we wish for a significant portion of the living world to survive after we are gone?
Jane Fonda is absolutely right: there can be no healthy people on a sick planet. Let us act upstream, prevent damage from the outset, and "clean up" planet Earth to the extent possible—because the worst is not yet certain. Let us radically defend hope as a commitment to act in a world whose future remains uncertain and unknowable.
It is sometimes beneficial to revisit older works, such as the book Hope in the Dark, which enthusiastically celebrates those who tirelessly work behind the scenes and courageously on the streets for justice and environmental health. Actively fostering hope does not mean assuming that everything will be resolved on its own. It means we can—and must—at least try to make hope a reality.
The term possibilist seems even more appropriate to me than optimist. Possibilists see the opportunity to make hope a reality and work actively toward achieving it.
Acting with Intergenerational Responsibility
Remaining blind to the harmful effects of complex chemical mixtures is already a source of disaster and great frustration. It is more urgent than ever to start working now on structural solutions, which will undoubtedly require significant effort.
When a politician claims they want to protect the population from budget overruns, that is called taking responsibility. Protecting humanity from the dangers of exacerbated pollution is also taking responsibility!
Let us stop mortgaging the future of our children, and please, let us demonstrate intergenerational responsibility. It is our duty to prepare a healthy future on a clean planet for the youngest among us and for all future generations to come. No one likes to live in a dump!
Let us dare to be possibilists, to act on hope actively, and to work together for the well-being of younger generations and those yet to come. Let us abandon presumptuous anthropocentrism and adopt a humanist approach. Let us unite our efforts for a habitable planet for all living beings—a clean planet where chemical contaminants are properly eliminated, where chemicals are used only when absolutely necessary, and not for the perverse goal of unlimited economic growth that continues to widen the gap between the rich and the poor.
Let us pursue a new vision, one not dominated by profit but driven by human needs, solidarity, and responsibility.
Leo GOEYENS
La responsabilidad intergeneracional brilla por su ausencia
Por Leo GOEYENS
¿Estamos desviando deliberada o involuntariamente nuestra mirada de mensajes y resultados de investigación importantes? ¿No resulta alarmante que otorguemos tan poca atención a las fuentes fundamentales de la ética, como la solidaridad y la responsabilidad?
Lamento profundamente que el mensaje de 46 destacados científicos haya pasado prácticamente desapercibido. El título de su publicación es elocuente: Un planeta: una salud. Un llamado a apoyar la iniciativa para la creación de un organismo científico-político global sobre sustancias químicas y residuos.
A los desafíos del cambio climático y la pérdida de biodiversidad se suma un tercer gran reto: la contaminación química.
La contaminación química constituye una amenaza aterradora tanto para la salud del planeta como para la salud humana en todo el mundo; sin embargo, su impacto apenas ha sido tomado en cuenta en las políticas nacionales e internacionales. Hasta ahora, no existe un organismo intergubernamental que aborde de manera integral la contaminación química y sus efectos negativos sobre los seres vivos. Por el contrario, el Grupo Intergubernamental de Expertos sobre el Cambio Climático (IPCC, por sus siglas en inglés) y la Plataforma Intergubernamental Científico-Normativa sobre Biodiversidad y Servicios Ecosistémicos (IPBES) fueron creados en 1988 y 2012, respectivamente.
¿Por qué seguimos siendo tan indiferentes a la contaminación química? ¿Por qué carecemos de determinación y visión? Este contraste es evidente frente al mensaje de un editorial publicado en julio de 2024 en la revista médica The Lancet: cada año, se estima que 9 millones de personas mueren en el mundo debido a la contaminación química, de las cuales la mayoría sucumbe a la contaminación del aire.
Nadie niega la necesidad de actuar de inmediato para reducir la contaminación química mundial. Reducirla es lo único que podemos hacer; lamentablemente, ya no es posible eliminarla por completo. Ojalá algún día podamos adoptar medidas basadas en datos y conocimientos científicos sólidos, evaluados de forma crítica por un organismo mundial que funcione en la interfaz entre la ciencia y la política.
Una amenaza persistente: la contaminación plástica
Además de problemas como los pesticidas, metales pesados y sustancias perfluoroalquiladas (PFAS), que suelen mencionarse en los medios, hay una forma de contaminación ambiental para la que no veo una solución a corto plazo: la contaminación plástica.
Los plásticos son un problema global debido a su producción masiva y demandante de recursos, y a los vertidos incontrolados de sus derivados en el medio ambiente. Más aún, la incapacidad actual para controlar las más de 16,000 sustancias químicas presentes en los plásticos agrava este problema. Miles de estas sustancias son preocupantes por su naturaleza persistente, bioacumulativa, móvil y tóxica. Estas sustancias pueden liberarse tanto durante el uso de los plásticos como tras su desecho en el medio ambiente, lo que provoca su propagación global y la exposición de los seres vivos.
Miles de productos químicos ya están presentes en nuestro entorno, en nuestros alimentos, en el aire que respiramos y en nuestros cuerpos. ¡La contaminación química enferma y mata! ¿No terminará algún día destruyendo nuestras vidas y las de nuestros hijos y nietos? Esto sucede porque seguimos dejando irresponsablemente residuos químicos, y porque hacemos poco o nada para limpiar la Tierra.
Una obligación para con el futuro
¿Algún día comprenderemos que es absolutamente necesario invertir ahora mismo dinero, tiempo y energía si queremos preservar los recursos de este único planeta habitable? Si queremos dejar un mundo vivible para las generaciones futuras, si deseamos que una gran parte de los seres vivos sobrevivan después de nuestra desaparición, debemos actuar ya.
Jane Fonda tiene toda la razón: no puede haber personas sanas en un planeta enfermo. Debemos actuar en la raíz del problema, prevenir los daños desde el principio y “limpiar” la Tierra tanto como sea posible, porque lo peor aún no es seguro. Defendamos de manera radical la esperanza como un compromiso activo para actuar en un mundo cuyo futuro sigue siendo incierto e impredecible.
Es recomendable volver a textos anteriores, como el libro Hope in the Dark, que celebra con entusiasmo a quienes trabajan incansablemente en las sombras y valientemente en las calles por la justicia y la salud ambiental. Alimentar activamente la esperanza no significa suponer que todo se resolverá mágicamente, sino al menos intentar convertir esa esperanza en realidad.
El término posibilista me parece aún más adecuado que optimista. Los posibilistas ven la oportunidad de convertir la esperanza en realidad y trabajan activamente para lograrlo.
Actuar con responsabilidad intergeneracional
Ignorar los efectos negativos de los complejos cócteles químicos ya es hoy una fuente de desastres y grandes molestias. Es más urgente que nunca trabajar en soluciones estructurales, aunque estas requieran esfuerzos colosales.
Cuando un político dice que quiere proteger a la población de un colapso presupuestario, eso se llama asumir responsabilidades. ¡Querer proteger a la humanidad de los peligros de la contaminación exacerbada también es asumir responsabilidades!
Dejemos de hipotecar el futuro de nuestros hijos y, por favor, actuemos con responsabilidad intergeneracional. Es nuestro deber preparar un futuro saludable en un planeta limpio para las generaciones más jóvenes y todas las futuras. ¡Nadie quiere vivir en un basurero!
Seamos valientes y posibilistas. Actuemos con esperanza activa, trabajando juntos por el bienestar de los jóvenes y de las generaciones venideras. Abandonemos el antropocentrismo presuntuoso y adoptemos un enfoque humanista. Unamos esfuerzos para un planeta habitable para todos los seres vivos, un planeta limpio donde los contaminantes químicos sean correctamente eliminados, donde los productos químicos se utilicen solo cuando sea estrictamente necesario, y no con el objetivo perverso de un crecimiento económico ilimitado que perpetúe las desigualdades entre ricos y pobres.
Persigamos una nueva visión, no dominada por el lucro, sino por las necesidades humanas, la solidaridad y la responsabilidad.
Leo Goeyens
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